La musique arabe, avec ses mélodies envoûtantes et sa profondeur émotionnelle, exerce une fascination universelle. Bien plus qu’un simple genre, elle constitue un vaste univers culturel, un ensemble de traditions musicales riches et variées, issues d’un monde arabe qui s’étend du Golfe Persique à l’océan Atlantique.1 Son histoire millénaire est marquée par une extraordinaire diversité régionale et stylistique, témoignant des échanges constants et des multiples influences qui l’ont façonnée. Au cœur des sociétés arabes, la musique joue un rôle central, rythmant la vie sociale, spirituelle et artistique. Elle est un puissant vecteur d’identité, un langage capable d’exprimer les joies, les peines, les aspirations collectives et les récits ancestraux.3 Cet article propose une exploration de ce patrimoine immatériel exceptionnel, en parcourant son histoire foisonnante, en décryptant ses caractéristiques fondamentales telles que le système des maqamat (المقامات) et des iqa’at (rythmes), en présentant ses instruments emblématiques et ses figures artistiques marquantes. Il s’attachera également à comparer ses spécificités avec celles de la musique occidentale, avant de se pencher sur ses expressions contemporaines, ses fusions interculturelles et son rayonnement croissant sur la scène mondiale.
I. Aux Origines : Un Voyage à Travers l’Histoire de la Musique Arabe
L’histoire de la musique arabe est une fresque complexe, tissée de multiples influences et de périodes de floraison artistique. Des chants rudimentaires du désert préislamique aux fastes des cours califales, des échos andalous aux vibrations de l’âge d’or du Caire au XXe siècle, chaque époque a laissé une empreinte indélébile sur ce patrimoine sonore.
A. L’Héritage Préislamique et les Premières Formes Musicales (avant 632)
Avant l’avènement de l’Islam, la péninsule arabique connaissait déjà une vie musicale active, intimement liée aux modes de vie de ses habitants, qu’ils soient nomades ou sédentaires.7 Les foires commerciales, comme celles de Médine, Taïf ou La Mecque, étaient des lieux importants de pratique et d’échange musical, où se rassemblaient des musiciens de diverses origines pour faire entendre leurs poèmes chantés.8 L’art musical arabe trouve en effet ses racines les plus profondes dans le chant (al-ghina).7
Parmi les formes primitives, le houda, chant des chameliers, est souvent cité comme l’une des plus anciennes, son rythme étant calqué sur le pas des dromadaires.7 Ce chant fonctionnel, lié aux nécessités des déplacements caravaniers, illustre comment l’environnement et le mode de vie nomade ont directement façonné les premières expressions musicales. Parallèlement, dans les cités commerçantes, une forme d’art plus élaborée se développait, notamment grâce aux qiyan. Ces musiciennes, souvent des esclaves ou des courtisanes instruites, jouaient un rôle central dans l’animation des cours et des événements de l’aristocratie.7 Maîtrisant la poésie, l’art du chant et l’improvisation, elles déclamaient et chantaient les vers des grands poètes de l’époque, souvent accompagnées d’instruments rudimentaires comme le duff, un tambour sur cadre.8 L’existence d’une élite dans ces centres urbains a ainsi permis l’émergence d’un divertissement musical plus raffiné.
Outre le houda et les prestations des qiyan, d’autres genres vocaux existaient, tels que le nasb (chant d’amour et de mariage), le hazaj (chant léger pour la danse), le sinad (chant sérieux et élaboré), le ghina al-rokban (chant des voyageurs), ainsi que des élégies funèbres, des chants de guerre et des chants rituels.7 On distinguait ainsi globalement les chants des peuples sédentaires, plus sophistiqués, de ceux des peuples nomades, plus rudimentaires.9 Les plus anciens documents décrivant ces pratiques musicales remontent au VIe siècle de notre ère.9
Un trait marquant de cette période, et qui constituera un fil conducteur tout au long de l’histoire de la musique arabe, est l’importance primordiale accordée à la poésie chantée et à la voix.7 Cette tradition poético-musicale a jeté les bases d’une esthétique qui influencera profondément le développement ultérieur des maqamat et l’expérience du Tarab.
B. L’Âge d’Or et le Rayonnement Culturel
L’histoire de la musique arabe est jalonnée de plusieurs « âges d’or », périodes d’intense créativité et de rayonnement culturel. Le premier grand apogée se situe durant la période abbasside (750-1250), où Bagdad devint un centre musical florissant grâce au mécénat éclairé des califes et de l’aristocratie.7 Des musiciens illustres comme Ibrahim al-Mawsili et son fils Ishaq y réalisèrent une synthèse brillante entre les traditions musicales d’Arabie et de Perse, devenant les musiciens attitrés de plusieurs souverains.7 C’est également à cette époque que la théorie musicale arabe connut des développements significatifs, s’appuyant notamment sur les savoirs grecs antiques.10 Des figures comme Al-Kindi (IXe siècle) et Al-Farabi (IXe-Xe siècle) jetèrent les bases théoriques du système des maqamat.12
Parallèlement, en Al-Andalus (Espagne musulmane), un autre foyer de création musicale voyait le jour. Ziryab, musicien légendaire du IXe siècle, y introduisit les traditions musicales d’Orient, tout en les adaptant et en les enrichissant. On lui attribue notamment l’ajout d’une cinquième corde au luth (oud) et la structuration de la nawba, une suite musicale qui deviendra la forme emblématique de la musique arabo-andalouse classique.7 Plus tard, au XIIe siècle, le philosophe et musicien Ibn Bajja aurait contribué à cette synthèse entre les traditions orientales et hispaniques.7 C’est aussi en Al-Andalus qu’apparurent des formes poético-musicales raffinées comme le mouwashah et le zajal.7
Plus près de nous, le XXe siècle, et particulièrement la période allant des années 1940 aux années 1970, est souvent décrit comme un second « âge d’or » de la musique arabe.14 Le Caire s’imposa alors comme la capitale incontestée de la création musicale et du divertissement dans le monde arabe.15 Cette période fut marquée par l’émergence d’artistes visionnaires et de voix exceptionnelles qui captivèrent des foules immenses. Des noms comme Oum Kalthoum, Mohammed Abdel Wahab, Farid El Atrache, Asmahan, Warda Al-Jazairia et Fayrouz devinrent des icônes, leurs œuvres étant largement diffusées grâce à l’essor de l’industrie du disque, de la radio et du cinéma musical.14 Le concept de Tarab, cette transe émotionnelle partagée entre l’artiste et son public, atteignit alors des sommets d’expression.15
Ces périodes de floraison illustrent une capacité récurrente de la musique arabe à intégrer des influences diverses, qu’elles soient régionales (persane, byzantine) ou plus lointaines (européenne au XXe siècle), pour les fondre dans un creuset créatif original. Que ce soit sous le mécénat des califes abbassides ou grâce à la puissance des nouveaux médias du XXe siècle, le soutien des élites et les moyens de diffusion ont toujours joué un rôle crucial dans l’épanouissement et le rayonnement de cet art.
C. Les Influences Croisées : Persane, Byzantine, Andalouse et Ottomane
La musique arabe est le fruit d’un long processus d’interactions et d’hybridations avec les cultures musicales des civilisations voisines. Ces influences croisées, variables en intensité selon les époques et les régions, ont enrichi son vocabulaire mélodique, rythmique et instrumental, contribuant à sa richesse et à sa diversité.
L’influence persane est l’une des plus anciennes et des plus profondes, particulièrement marquée aux débuts de l’ère islamique et durant la période abbasside.7 La musique arabe orientale porte distinctement son empreinte.21 Des instruments comme le tar (luth à long manche) ont été intégrés 10, et de nombreux concepts musicaux, ainsi que les noms de certains maqamat (comme Rast, Sikah, Nawa), témoignent de cet héritage persan.11
L’influence byzantine et grecque antique s’est principalement exercée sur le plan théorique. Les savants arabes ont traduit et développé les traités musicaux grecs, notamment ceux de Pythagore, Aristoxène et Ptolémée.9 Cette assimilation du savoir grec a contribué à la formalisation du système modal arabe et à la compréhension des intervalles et des échelles.21 Certains historiens suggèrent même que des traditions musicales du Moyen-Orient pourraient avoir des origines caucasiennes très anciennes, et que l’influence grecque se serait propagée vers l’Est, créant un continuum culturel.10
L’influence andalouse est particulièrement prégnante dans les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie). La musique arabo-andalouse, avec sa forme principale la nawba (ou nouba), est l’héritière directe des traditions musicales qui ont fleuri en Al-Andalus du VIIIe au XVe siècle.9 Elle est le résultat d’une synthèse complexe entre la musique orientale apportée par des figures comme Ziryab, les traditions musicales autochtones de la péninsule ibérique, et d’autres apports (byzantins, européens).21 L’expulsion des Musulmans et des Juifs d’Espagne lors de la Reconquista a entraîné le transfert de ce riche patrimoine vers l’Afrique du Nord, où il s’est conservé et a continué d’évoluer.9
L’influence ottomane, bien que significative dans le Machrek (Orient arabe), a été moins marquée au Maghreb.13 Durant les siècles de domination ottomane, la musique arabe classique a été nourrie et transmise, partageant avec la musique turque certains maqamat, instruments et formes musicales.11 La fin de l’Empire ottoman au début du XXe siècle a coïncidé avec une renaissance de la « musique arabe » proprement dite, animée par une volonté de sauvegarder et de réaffirmer un patrimoine distinct.18
Ce qui caractérise l’histoire de la musique arabe face à ces multiples influences n’est pas une simple assimilation passive, mais une capacité constante à synthétiser et à intégrer ces apports extérieurs au sein de son propre système esthétique et théorique.7 Même lorsque des instruments ou des concepts ont été empruntés, ils ont été adaptés et transformés pour servir l’expressivité propre à la musique arabe, comme en témoigne l’ajustement des instruments occidentaux pour pouvoir jouer les micro-intervalles.20 Ce dynamisme des échanges et cette force créatrice interne expliquent la vitalité et la pérennité de cet art musical.
D. La Nahda (Renaissance) et la Transition vers la Modernité (XIXe-début XXe siècles)
La Nahda, ou Renaissance arabe, qui s’étend du XIXe au début du XXe siècle, fut une période de profondes transformations culturelles, intellectuelles et politiques dans le monde arabe. Confrontées à la prégnance de la culture ottomane déclinante et à l’influence grandissante de l’Europe – symbolisée par l’expédition de Bonaparte en Égypte en 1798, souvent citée comme un tournant 3 – les sociétés arabes connurent un sursaut identitaire. Ce mouvement toucha également la musique, avec une volonté de réhabiliter et de réinterpréter le patrimoine musical ancestral, tout en s’ouvrant aux apports de la modernité.3
Deux courants principaux se dessinèrent alors : un retour aux formes traditionnelles et une fascination pour les innovations venues d’Occident. Cette période fut marquée par l’introduction progressive d’instruments de musique occidentaux (violon, piano, violoncelle, contrebasse), de techniques d’harmonisation et d’orchestration, ainsi que de nouvelles formes musicales inspirées du théâtre musical et du cinéma européens.3 Des figures comme le compositeur et chanteur égyptien Sayyed Darwish (1892-1923) jouèrent un rôle pionnier dans ce renouveau, en créant des œuvres qui puisaient dans le fonds populaire égyptien tout en adoptant des structures et des instrumentations modernisées, et en accordant une importance nouvelle à des textes porteurs de sens et à des rythmes plus affirmés.20
Le Congrès International de Musique Arabe, tenu au Caire en 1932, constitua un événement majeur et un jalon décisif dans cette transition.7 Il réunit musiciens, compositeurs et musicologues du monde arabe, de Turquie, de Perse et d’Europe occidentale, favorisant un dialogue interculturel sans précédent.20 Les débats y furent vifs, notamment autour de l’intégration des instruments occidentaux, de la standardisation de l’échelle musicale arabe (avec la question des quarts de ton), de la pertinence de la notation musicale occidentale pour une musique largement basée sur l’oralité et l’improvisation, et de la définition même de la « musique arabe » à l’ère moderne.3 Malgré les craintes d’une perte d’identité, une fusion s’opéra, certains allant jusqu’à construire des pianos capables de jouer les quarts de ton.20 Ce congrès officialisa en quelque sorte l’émergence de deux grandes orientations : l’une cherchant à synthétiser et à revivifier les traditions orientales, l’autre s’inspirant plus directement des modèles européens.7 Ces débats et ces choix eurent des conséquences durables sur l’évolution du langage musical dans l’ensemble du monde arabe.7
L’Égypte, et Le Caire en particulier, joua un rôle central durant cette période charnière.3 La capitale égyptienne devint un véritable laboratoire pour la modernisation de la musique arabe et un pôle de diffusion majeur, notamment grâce à l’essor de l’industrie du disque et de la radio.16 L’influence culturelle égyptienne fut telle que l’appellation « musique égyptienne » fut même utilisée pendant un temps pour désigner la musique arabe moderne dans son ensemble.24 Cette tension entre la préservation d’un héritage jugé authentique et l’attrait pour une modernité souvent synonyme d’occidentalisation reste une dialectique fondamentale qui continue de façonner les expressions musicales arabes contemporaines.
II. L’Âme de la Musique Arabe : Caractéristiques Fondamentales
La musique arabe se distingue par un ensemble de traits stylistiques et structurels qui lui confèrent une identité sonore unique et une profonde capacité expressive. Au-delà de la diversité des genres et des traditions régionales, certaines caractéristiques fondamentales traversent cet univers musical.
A. La Primauté de la Mélodie : Monodie et Hétérophonie
La musique arabe est avant tout un art de la mélodie.20 C’est la ligne mélodique, qu’elle soit vocale ou instrumentale, qui porte l’essentiel de l’expression et de la charge émotionnelle. Traditionnellement, cette musique est monodique, c’est-à-dire qu’elle repose sur une seule ligne mélodique principale.20 Contrairement à la musique occidentale classique, où la polyphonie (la superposition de plusieurs lignes mélodiques distinctes et indépendantes formant des harmonies) est une composante essentielle, la musique arabe classique n’a pas développé de système harmonique fonctionnel comparable.11 L’accompagnement instrumental, lorsqu’il est présent, sert principalement à soutenir le rythme ou à renforcer la modalité par des notes pédales ou des bourdons, plutôt qu’à créer des contre-chants complexes.28
Cependant, la texture la plus caractéristique de la musique arabe d’ensemble n’est pas une monodie stricte mais l’hétérophonie.26 Dans une interprétation hétérophonique, plusieurs musiciens (instrumentistes ou chanteurs) exécutent la même mélodie de base simultanément, mais chacun l’enjolive avec ses propres variations, ornementations, et de légers décalages rythmiques ou mélodiques.26 Ces variations ne sont généralement pas écrites mais relèvent de l’interprétation spontanée et de l’interaction entre les musiciens, souvent guidée par des signaux visuels et une écoute mutuelle attentive.26 Il en résulte une texture sonore riche, dense et chatoyante, où l’unité de la mélodie est préservée tout en permettant une expression individuelle nuancée. Cette pratique de l’hétérophonie est un espace dynamique qui favorise l’interaction en temps réel et contribue de manière significative à l’intensité émotionnelle et à l’expérience du Tarab.
La prédominance de la monodie et de l’hétérophonie a eu une conséquence majeure : elle a concentré l’intérêt et la sophistication musicale sur la ligne mélodique elle-même. En l’absence d’une complexité harmonique développée, c’est la richesse de l’ornementation, la subtilité des intervalles (notamment les micro-intervalles), la complexité des modes (maqamat), et l’art de l’improvisation qui sont devenus les principaux vecteurs de l’expressivité et de la créativité dans la musique arabe.29 Ainsi, loin d’être une limitation, cette focalisation sur la mélodie a engendré un art ornemental et modal d’une finesse et d’une profondeur remarquables.
B. Les Maqamat (المقامات) : Le Système Modal Arabe
Au cœur de la théorie et de la pratique de la musique arabe se trouve le système des maqamat (au singulier, maqam). Ce système complexe de modes mélodiques est la pierre angulaire sur laquelle reposent la composition, l’improvisation et l’expression émotionnelle.
1. Définition, Structure et les Ajnas
Le maqam (المقام) peut être traduit par « lieu », « station » ou « degré », et désigne bien plus qu’une simple gamme.20 Il s’agit d’un ensemble de règles et de conventions qui définissent un parcours mélodique, un caractère expressif et un cadre pour l’improvisation.34 Chaque maqam possède une identité sonore distincte, comparable aux modes ecclésiastiques médiévaux ou aux modes majeur et mineur de la musique occidentale, mais avec une richesse et une variété bien plus grandes, ainsi qu’une plus grande liberté d’interprétation.20 On dénombre près de 100 maqamat différents dans la musique arabe, bien que certains soient plus fréquemment utilisés que d’autres.22
La structure d’un maqam est généralement basée sur une échelle d’une octave, mais son essence réside dans la combinaison de segments mélodiques plus courts appelés ajnas (أجناس, singulier jins, signifiant « genre » ou « type »).22 Un jins est une cellule mélodique composée de trois (tricorde), quatre (tétracorde) ou cinq (pentacorde) notes successives. Un maqam est typiquement formé par la juxtaposition ou la superposition d’au moins deux ajnas. Il existe un répertoire d’environ neuf à onze ajnas fondamentaux, chacun possédant une structure intervallique et une note de départ (tonique du jins) spécifiques.34 Certains théoriciens classifient les ajnas en catégories imagées telles que « rois », « reines », « prince » et « princesse », dont les combinaisons forment des « royaumes » (les maqamat).35
Chaque maqam est caractérisé par plusieurs éléments clés :
- Une note tonique (appelée qarar قرار ou asas أساس), qui est généralement la note la plus grave du jins fondamental et qui ancre le mode.34
- Des notes importantes ou pivots (ghammaz غماز), souvent la tonique du second jins, qui servent de points d’appui mélodique et de centres pour la modulation vers d’autres ajnas ou maqamat.34
- Des progressions mélodiques typiques (sayr سير), c’est-à-dire des chemins mélodiques ascendants et descendants privilégiés qui définissent le caractère du maqam.34
- Des possibilités de modulation vers des maqamat voisins, selon des règles et des affinités établies par la tradition.34
Ainsi, un maqam n’est pas seulement une échelle statique, mais un processus dynamique, un « protocole d’improvisation » qui guide le musicien dans son exploration de l’univers sonore et expressif propre à ce mode.34
2. Exemples de Maqamat Clés et Leurs Atmosphères
Chaque maqam est traditionnellement associé à une atmosphère, une humeur ou une palette d’émotions spécifiques, que l’interprète cherche à transmettre et que l’auditeur averti reconnaît. Cette codification émotionnelle est un aspect fondamental de l’esthétique musicale arabe et joue un rôle crucial dans l’atteinte du Tarab.
Voici quelques-uns des maqamat les plus importants et leurs associations courantes :
- Maqam Rast (راست) : Souvent considéré comme le maqam fondamental ou « père » des maqamat, il est analogue au mode majeur occidental par sa position de départ sur la note Do (dans certaines traditions) mais se distingue par ses tiers et septièmes degrés « neutres » (utilisant des quarts de ton).9 Il est généralement associé à des sentiments de fierté, de puissance, d’audace, de joie et de positivité.9 Sa structure typique est un jins Rast sur la tonique, suivi d’un jins Rast ou Nahawand sur la quarte ou la quinte.36
- Maqam Bayati (بياتي) : Très populaire et largement utilisé dans la musique folklorique comme dans les compositions savantes.22 Il est caractérisé par un second degré abaissé d’un quart de ton par rapport au Rast. Le Bayati est souvent associé à la joie, à la vitalité, à la féminité, à la narration et à l’expression de l’amour tendre.22 Il est typiquement formé d’un jins Bayati sur la tonique, suivi d’un jins Nahawand ou Rast sur la quarte.36
- Maqam Sikah (سيكاه) : Son nom vient du persan et signifie « troisième lieu », indiquant sa tonique souvent sur le Mi microtonal. Il est central dans de nombreuses traditions musicales orientales.22 Le Sikah est associé à l’amour, la passion, et parfois à une certaine langueur.22 Sa structure de base est un jins Sikah (tricorde) sur la tonique, souvent complété par un jins Hijaz sur le troisième degré.36
- Maqam Hijaz (حجاز) : Reconnaissable à son intervalle caractéristique de seconde augmentée entre le deuxième et le troisième degré, ce qui lui confère une sonorité distinctive et « exotique » pour l’oreille occidentale.22 Il est souvent utilisé pour évoquer le désert, la nostalgie, un sentiment de drame ou une tristesse profonde.22 Sa structure de base est un jins Hijaz sur la tonique, complété par un jins Nahawand ou Rast sur la quarte.36
- Maqam Saba (صبا) : Un maqam au caractère intense et poignant, généralement associé à la tristesse, à la douleur et à une profonde mélancolie.36 Sa structure est unique, avec des intervalles de quarts de ton spécifiques et une tendance à se concentrer sur les registres graves. Il est souvent formé d’un jins Saba sur la tonique, suivi d’un jins Hijaz sur le troisième degré (mineur).36
- Maqam Nahawand (نهاوند) : Souvent comparé au mode mineur occidental (naturel ou harmonique).22 Il est associé à l’amour romantique, à la tendresse, à l’introspection et parfois à une douce mélancolie.22 Sa structure typique est un jins Nahawand sur la tonique, suivi d’un jins Hijaz ou Kurd sur la quinte.36
D’autres maqamat importants incluent le Kurd (كرد), similaire au mode phrygien occidental, et l’Ajam (عجم), proche du mode majeur occidental.31 La maîtrise du musicien se manifeste non seulement dans l’interprétation juste des intervalles et du caractère de chaque maqam, mais aussi dans sa capacité à moduler habilement d’un maqam à un autre au sein d’une même pièce ou improvisation. Ces modulations ne sont pas aléatoires mais suivent des « chemins » (pathways) établis par la tradition, permettant d’enrichir la palette expressive tout en maintenant une cohérence modale.39 Cette flexibilité sophistiquée, où chaque maqam conserve son identité tout en permettant des excursions créatives, est une marque de la profondeur du système.
Le tableau suivant synthétise les caractéristiques de quelques maqamat clés :
Nom du Maqam (Arabe) | Jins de base (Tonique) | Jins supérieur typique (Dominante) | Intervalles Caractéristiques (par rapport à une tonique Do pour comparaison) | Association Émotionnelle / Atmosphère | Exemple de Chanson (si disponible) |
Rast (راست) | Rast (Do) | Rast (Sol) ou Nahawand (Sol) | Mi (quart de ton bémol), Si (quart de ton bémol) | Fierté, puissance, joie, audace | « Ya Shadi Al-Alhan » 36 |
Bayati (بياتي) | Bayati (Ré) | Nahawand (Sol) ou Rast (Sol) | Ré, Mi (quart de ton bémol), Fa, Sol | Joie, vitalité, narration, amour tendre | « Bint Al Shalabiya » 36 |
Sikah (سيكاه) | Sikah (Mi QT bémol) | Hijaz (Sol) ou Rast (Sol) | Mi (quart de ton bémol) comme tonique | Amour, passion, langueur | « Tala Al-Badru Alayna » (souvent en Huzam, famille Sikah) 36 |
Hijaz (حجاز) | Hijaz (Ré) | Nahawand (Sol) ou Rast (Sol) | Ré, Mib, Fa#, Sol | Exotisme (désert), nostalgie, drame | « Huwwah Sahih » 36 |
Saba (صبا) | Saba (Ré) | Hijaz (Fa) | Ré, Mi (quart de ton bémol), Fa (quart de ton bémol), Solb | Tristesse, douleur, mélancolie profonde | « El Helwa Di » 36 |
Nahawand (نهاوند) | Nahawand (Do) | Hijaz (Sol) ou Kurd (Sol) | Similaire au mineur occidental (Do, Ré, Mib, Fa, Sol, Lab, Sib) | Amour romantique, tendresse, introspection | « Nassam Alayna » 36 |
Kurd (كرد) | Kurd (Ré) | Hijaz (Sol) | Similaire au Phrygien occidental (Ré, Mib, Fa, Sol, La, Sib, Do) | Tristesse, sérieux | « Salouni Ennas » 36 |
Ajam (عجم) | Ajam (Sib) | Ajam (Fa) | Similaire au Majeur occidental (Sib, Do, Ré, Mib, Fa, Sol, La) | Joie, grandeur | « Zourouni » 36 |
Note : Les exemples de notes et d’intervalles sont simplifiés pour comparaison et peuvent varier selon les traditions et les interprétations précises des quarts de ton.
C. Les Micro-Intervalles (Quarts de Ton) : La Couleur Subtile
Une des caractéristiques les plus distinctives de la musique arabe, et qui la différencie notablement de la musique occidentale tempérée, est l’utilisation de micro-intervalles, souvent décrits de manière simplifiée comme des « quarts de ton ».20 Alors que le plus petit intervalle dans le système occidental courant est le demi-ton, la musique arabe emploie des échelons sonores encore plus fins, permettant une palette de nuances mélodiques beaucoup plus riche.20 La gamme arabe théorique peut ainsi comporter jusqu’à 24 notes par octave, au lieu des 12 du système tempéré occidental.31
Ces micro-intervalles ne sont pas de simples ornements ou des notes de passage optionnelles ; ils sont structurels et essentiels au caractère même des maqamat.26 Ils contribuent de manière décisive à la « saveur » (ذوق – dhawq) unique de chaque mode et sont indispensables à l’expression de l’extase émotionnelle du Tarab.26 C’est cette utilisation des « notes entre les notes » qui confère à la musique arabe son timbre si particulier et sa capacité à exprimer des inflexions émotionnelles d’une grande subtilité.20 Un changement infime, de l’ordre d’un comma (une fraction de quart de ton), dans la hauteur d’une note peut altérer l’identité d’un jins et, par conséquent, du maqam tout entier, modifiant ainsi son impact affectif.34 La maîtrise de l’intonation précise de ces micro-intervalles est donc une compétence fondamentale et hautement valorisée chez les chanteurs et instrumentistes de musique arabe.26
La notation de ces micro-intervalles a toujours représenté un défi. Des symboles spécifiques, tels que le demi-bémol (souvent un bémol barré ou avec une forme particulière) et le demi-dièse, sont utilisés dans les partitions modernes.9 Le Congrès du Caire de 1932 a tenté une standardisation en proposant une division de l’octave en 24 quarts de ton égaux, mais la pratique réelle peut varier, et de nombreux théoriciens et musiciens reconnaissent que les intervalles ne sont pas toujours tempérés de manière égale et peuvent fluctuer légèrement selon le contexte modal ou l’interprète.44 Cette nature subtile et parfois flottante des micro-intervalles explique en partie la forte tradition orale de la musique arabe et la difficulté de la transcrire fidèlement, renforçant l’importance de l’oreille et de la transmission directe de maître à élève.9
D. L’Art de l’Improvisation : Taqsim, Mawwal et Layali
L’improvisation est un pilier de la musique arabe, une composante vivante et hautement estimée qui permet l’expression de la créativité individuelle et l’exploration en temps réel des profondeurs du maqam.20 Elle est considérée non pas comme une simple ornementation, mais comme un art sophistiqué requérant une grande maîtrise technique, une connaissance intime des traditions modales et une inspiration particulière.26
La forme la plus emblématique de l’improvisation instrumentale est le Taqsim (تقسيم). Il s’agit généralement d’une pièce solo, non mesurée (c’est-à-dire sans pulsation rythmique régulière imposée par des percussions), interprétée sur un instrument mélodique comme l’oud, le qanoun, le violon ou le nay.26 Dans un taqsim, l’instrumentiste explore les différentes caractéristiques du maqam choisi : ses ajnas constitutifs, ses notes importantes, ses phrases mélodiques typiques et ses possibilités de modulation vers des maqamat voisins.34 Le taqsim n’est pas une errance aléatoire ; il suit un cheminement structuré, une sorte de discours musical qui vise à révéler progressivement l' »âme » du maqam, à en exposer la richesse et à susciter l’émotion chez l’auditeur.26 L’objectif est de satisfaire, voire de « taquiner » les attentes modales de l’auditoire, en jouant avec les tensions et les résolutions inhérentes au mode.26
Dans le domaine vocal, l’improvisation prend principalement la forme du Mawwal (موال) et des Layali (ليالي).2 Le mawwal est un chant improvisé sur un poème en langue dialectale ou classique, où le chanteur déploie sa virtuosité vocale et son expressivité pour illustrer le texte.2 Les layali (pluriel de layl, nuit) sont des improvisations vocales utilisant des syllabes vocalisées telles que « Ya Layl » (Ô nuit) et « Ya Ein » (Ô œil), permettant au chanteur de se concentrer purement sur l’exploration mélodique et ornementale du maqam, souvent en introduction ou en interlude d’une chanson.46
L’improvisation, qu’elle soit instrumentale ou vocale, est un dialogue créatif avec la tradition. Le musicien s’appuie sur un corpus de règles et de motifs hérités, mais y injecte sa propre sensibilité, son inspiration du moment et son interaction avec le public.26 C’est cette capacité à naviguer entre le connu et l’inattendu, à surprendre tout en restant dans l’esprit du maqam, qui fait la grandeur d’un improvisateur. L’influence occidentale a parfois conduit à une certaine standardisation et à une réduction de la place de l’improvisation dans certaines formes de musique arabe moderne.3 Néanmoins, elle demeure une caractéristique distinctive et un puissant catalyseur de l’expérience du Tarab, rendant chaque performance unique et vivante.
E. Le Tarab (طرب) : L’Expérience de l’Extase Musicale
Le concept de Tarab (طرب) est absolument central pour comprendre l’esthétique et la finalité de la musique arabe classique et de nombreuses formes populaires.2 Souvent traduit par « extase », « ravissement », « enchantement » ou « transe musicale », le Tarab désigne un état émotionnel intense, une transformation affective profonde et partagée par tous les participants à l’expérience musicale – les interprètes comme l’auditoire.26 Cet état peut naître aussi bien de la joie que de la tristesse, et se manifeste par une sensation de légèreté, de mouvement intérieur et d’élévation spirituelle.26
L’objectif premier de la musique Tarab est de provoquer cette émotion intense.26 L’émotivité n’est pas un simple effet secondaire, mais la valeur même de la musique, le but ultime de sa production et de sa réception.26 Plusieurs facteurs interdépendants concourent à la naissance du Tarab :
- Le poème (القصيدة – qasida) : Les textes, souvent d’une grande qualité littéraire, traitent de thèmes universels comme l’amour (divin ou humain), la nostalgie, la perte, la beauté de la nature. La langue arabe, par sa richesse et sa musicalité intrinsèque, joue un rôle crucial.2
- Le maqam (المقام) : Le choix du mode mélodique est déterminant, chaque maqam portant une charge émotionnelle spécifique qui colore l’interprétation.26
- L’improvisation (التقسيم – taqsim, الموال – mawwal) : La capacité de l’artiste à improviser, à moduler, à ornementer la mélodie de manière créative et inattendue tout en respectant l’esprit du maqam est essentielle pour surprendre et émouvoir l’auditoire.26
- L’interprétation vocale et instrumentale : La qualité de la voix (خامة – khama), la justesse de l’intonation (particulièrement des micro-intervalles), la clarté de l’énonciation, la maîtrise des nuances et des ornementations sont primordiales.29 Les instruments eux-mêmes, qualifiés d’alat al-tarab (instruments du Tarab), sont choisis pour leur « couleur sonore » propice à l’extase.29
- Le rythme (الإيقاع – iqa’) : Bien que l’improvisation puisse être non mesurée, le cadre rythmique, lorsqu’il est présent, soutient et structure l’élan émotionnel.45
- L’interaction avec le public (الجمهور – al-jumhur) : Le Tarab est un phénomène éminemment social et interactif. L’auditoire n’est pas passif ; il participe activement par des exclamations d’approbation (« Allah! », « Ya salam! »), des encouragements, et une écoute attentive et connaisseuse.26 Cette « rétroaction extatique » (ecstatic-feedback) nourrit l’inspiration de l’artiste et intensifie l’expérience collective.26 L’artiste, à son tour, doit être sensible aux réactions du public et adapter sa performance en conséquence.45 Un état d’inspiration et de transe spécifique à l’interprète, appelé saltanah (سلطنة), est considéré comme crucial pour atteindre et transmettre le Tarab.26
Ce contexte d’écoute, participatif et chargé émotionnellement, distingue radicalement l’expérience du Tarab des conventions d’écoute plus « réservées » et distanciées de la musique classique occidentale en concert.26 Des figures légendaires comme l’Égyptienne Oum Kalthoum sont emblématiques de cet art, ses concerts durant des heures et provoquant une ferveur collective intense.14 Le Tarab est donc bien plus qu’un genre musical ; c’est une culture, un ensemble de pratiques et de sentiments qui incarnent une manière unique de vivre et de partager la musique.
F. Les Rythmes Envoûtants : Les Iqa’at (إيقاعات)
Le rythme est un élément constitutif fondamental de la musique arabe, lui insufflant vie, structure et dynamisme. Loin d’être un simple marquage du temps, il dessine les contours de la mélodie, en souligne les inflexions et invite au mouvement, qu’il soit intérieur ou physique.45 Le système rythmique de la musique arabe est organisé autour des Iqa’at.
1. Définition, Structure (Dum, Tak) et Notation
Les Iqa’at (إيقاعات), au singulier Iqa’ (إيقاع), sont les modes ou cycles rythmiques qui servent de fondation à une grande partie de la musique arabe, qu’elle soit savante, populaire ou folklorique.49 Un iqa’ est un motif de battements organisé dans une mesure qui se répète cycliquement, créant une pulsation et un cadre temporel pour la mélodie et le chant.51 Une composition peut d’ailleurs moduler entre différents iqa’at, tout comme elle peut moduler entre différents maqamat.51
La structure de base de chaque iqa’ est définie par une séquence de deux types de sons principaux, produits par les instruments de percussion (principalement les tambours comme la tabla ou le riqq) :
- Dum (دُم) : Un son grave, résonant et soutenu, généralement obtenu en frappant le centre de la peau du tambour.45 Il marque souvent les temps forts du cycle.
- Tak (تَك) : Un son aigu, sec et plus claquant, produit en frappant le bord de la peau du tambour.45 Il marque les temps faibles ou sert à créer des subdivisions et des ornementations.
Le principe fondamental de la rythmique arabe est la périodicité, appelée dawr (دور) : les cycles se répètent avec la même durée et/ou les mêmes accents, et la succession des battements forts (Dum) et faibles (Tak) reste constante au sein d’un iqa’ donné.45
La notation des iqa’at représente généralement leur forme squelettique ou prototypique. En pratique, les percussionnistes chevronnés ne se contentent pas de jouer cette structure de base ; ils l’ornementent (زخرفة – zakhrafa) considérablement en ajoutant des Dum et des Tak supplémentaires, des roulements, des syncopes et d’autres fioritures, en fonction du genre musical, de l’instrument utilisé, de l’esthétique souhaitée et de leur propre style.51 Cette ornementation rythmique est un art en soi, comparable à l’ornementation mélodique dans le maqam.
Il existe un très grand nombre d’iqa’at répertoriés (plus d’une centaine selon certaines sources), mais beaucoup sont tombés en désuétude ou sont spécifiques à des répertoires anciens comme le muwashshah.49
2. Exemples d’Iqa’at Courants
Les iqa’at arabes se présentent dans une grande variété de signatures rythmiques, allant de cycles courts et simples à des structures longues et complexes, incluant des mesures paires et impaires. Voici quelques exemples parmi les plus courants, avec leur signature rythmique et leur structure de base (simplifiée) utilisant D pour Dum et T pour Tak (les silences ou temps non accentués principaux sont indiqués par « -« ) :
- Maqsum (مَقسوم) – 4/4 : Sans doute le plus répandu des rythmes arabes, utilisé dans une multitude de genres, du classique au populaire.52 Structure typique : D T – T D – T –.52 Des chansons d’Oum Kalthoum, Abdel Halim Hafez ou Fairouz l’emploient fréquemment.53
- Saïdi (صعيدي) – 4/4 : Un rythme vif et énergique originaire de la Haute-Égypte (Saïd), souvent associé aux danses folkloriques.52 Structure : D T – D D – T –.52
- Wahda (وحدة) – 4/4 : Signifiant « un » en arabe, ce rythme est caractérisé par un unique Dum proéminent par mesure, laissant beaucoup d’espace pour l’expression mélodique et vocale.52 Structure : D – – T – – T –.52
- Masmoudi Kabir (مصمودي كبير) – 8/4 : Également appelé simplement Masmoudi, c’est un rythme ample et majestueux.52 Structure : D D – – T D – T –.52
- Malfuf (ملفوف) – 2/4 : Un rythme rapide, tournoyant et entraînant, souvent utilisé pour les introductions ou les sections rapides.52 Structure : D T – T.52
- Ayyub (أيوب) – 2/4 : Un autre rythme rapide et moteur, souvent utilisé dans la musique folklorique et de transe (comme le Zar).52 Structure : D – D – T –.52
- Chiftitelli (Çiftetelli – شفتاتلي) – 8/4 : D’origine turque, ce rythme est souvent lent, avec une qualité sensuelle, utilisé dans certaines formes de taqsim rythmé ou pour la danse du ventre.52 Structure : D – T – T – D D T –.52
- Zaffa (زفّة) – 4/4 : Rythme processionnel par excellence, utilisé pour accompagner les cortèges de mariage.52 Structure : D TK T TK D T T – (où TK représente une subdivision rapide « tak-ka »).52
Les signatures rythmiques plus courtes (2/4, 3/4, 4/4, 6/4, 8/4) sont fréquemment employées dans la musique folklorique, le Tarab du milieu du XXe siècle et la musique populaire contemporaine. Les iqa’at plus longs et complexes (comme le 10/8 Sama’i Thaqil, ou des cycles allant jusqu’à 32/4) sont typiques du répertoire classique ancien, notamment les Muwashahat.52
Au-delà de leur fonction purement métrique, les iqa’at jouent un rôle crucial dans la structuration de l’expression émotionnelle et servent de fondation à de nombreuses formes de danse. Le choix d’un iqa’ particulier influence grandement le caractère d’une pièce musicale, son énergie et sa fonction sociale, que ce soit pour inciter à la danse, soutenir un chant lyrique ou créer une atmosphère de recueillement. La coexistence de ces cycles rythmiques, parfois très élaborés, avec la liberté de l’improvisation mélodique (comme dans le taqsim) crée une tension dynamique fascinante entre structure et spontanéité, caractéristique de la richesse de la musique arabe.
Le tableau ci-dessous résume les structures de base de quelques iqa’at courants :
Nom de l’Iqa’ (Arabe) | Signature Rythmique | Structure de Base (D=Dum, T=Tak, -=silence/temps non frappé) | Caractéristiques / Usage Typique |
Maqsum (مَقسوم) | 4/4 | D T – T D – T – | Très courant, polyvalent (classique, populaire, danse) 52 |
Wahda (وحدة) | 4/4 | D – – T – – T – | Un seul Dum marqué, laisse place à la mélodie/voix 52 |
Masmoudi Kabir (مصمودي كبير) | 8/4 | D D – – T D – T – | Ample, majestueux, utilisé dans le répertoire classique 52 |
Saïdi (صعيدي) | 4/4 | D T – D D – T – | Vif, énergique, originaire de Haute-Égypte, danses folkloriques 52 |
Malfuf (ملفوف) | 2/4 | D T – T | Rapide, tournoyant, souvent pour introductions/sections vives 52 |
Ayyub (أيوب) | 2/4 | D – D – T – | Rapide, entraînant, musique folklorique, transe (Zar) 52 |
Chiftitelli (شفتاتلي) | 8/4 | D – T – T – D D T – | Souvent lent, sensuel, danse du ventre, taqsim rythmé 52 |
Zaffa (زفّة) | 4/4 | D TK T TK D T T – | Procession de mariage, festif 52 |
III. L’Orchestre Arabe : Instruments Emblématiques et Ensembles
La richesse sonore de la musique arabe repose sur une panoplie d’instruments aux timbres variés, chacun jouant un rôle spécifique au sein des ensembles traditionnels. Des cordes pincées et frottées aux vents subtils et aux percussions entraînantes, ces instruments sont les vecteurs de la mélodie, du rythme et de l’émotion. Les formations instrumentales les plus emblématiques sont le takht, un petit ensemble de musique de chambre, et la firqa, un orchestre plus large.
A. Cordophones
Les instruments à cordes tiennent une place prépondérante dans la musique arabe, portant l’essentiel de la charge mélodique et harmonique (au sens hétérophonique).
- Oud (عود) : Considéré comme le « roi » ou le « sultan » des instruments arabes, l’oud est un luth à manche court, dépourvu de frettes, et dont la caisse de résonance a une forme caractéristique de demi-poire.9 Il est typiquement monté avec onze cordes groupées en cinq chœurs doubles (deux cordes accordées à l’unisson ou à l’octave) et une corde grave simple appelée chanterelle ou qabāḍ.43 L’absence de frettes permet au musicien de produire avec aisance les micro-intervalles (quarts de ton) essentiels aux maqamat.59 Joué avec un plectre flexible appelé risha (ريشة, signifiant « plume »), l’oud est un instrument extrêmement polyvalent : il assure un rôle mélodique de premier plan, excelle dans l’improvisation du taqsim, peut accompagner le chant, et parfois tenir une fonction de basse mélodico-rythmique.18 Son timbre est chaud, profond et expressif. Il est un pilier du takht et de nombreux autres ensembles.29
- Qanoun (قانون) : Le qanoun est une cithare sur table de forme trapézoïdale, dont les nombreuses cordes (typiquement 78, groupées en 26 chœurs de trois cordes chacun) sont tendues sur une caisse de résonance plate.18 L’instrumentiste pince les cordes à l’aide de petits plectres en corne ou en écaille de tortue, attachés à des bagues portées aux index.43 Une caractéristique distinctive du qanoun est la présence de petits leviers métalliques appelés ‘urab (عُرَب) situés sous chaque chœur de cordes. En les actionnant, le musicien peut modifier finement et rapidement la tension (et donc la hauteur) des cordes, lui permettant de jouer avec précision les micro-intervalles des différents maqamat et de moduler aisément.43 Le qanoun possède un son brillant et percussif, et joue un rôle mélodique central dans l’ensemble takht, doublant souvent la ligne vocale, exécutant des solos virtuoses et fournissant des ornementations complexes.46
- Kamanja/Violon Arabe (كمان/كمانجة) : Le violon occidental a été adopté dans la musique arabe vers la fin du XIXe siècle, où il est souvent appelé kamanja ou kamane.55 Il a largement supplanté les vièles traditionnelles locales plus anciennes comme la rababa (vièle à pique) ou la jowza.30 L’instrument est joué sans frettes, ce qui le rend parfaitement apte à interpréter les échelles microtonales des maqamat.28 L’accordage est souvent différent de celui utilisé en Occident, un accord courant étant Sol-Ré-Sol-Ré (des cordes graves aux aiguës), ce qui facilite le jeu des quarts de ton.28 Traditionnellement, le violon arabe pouvait être tenu verticalement sur le genou, à la manière des vièles, bien que la tenue à l’épaule soit aujourd’hui courante.28 Son timbre peut varier de chaud et lyrique à plus nasal et pénétrant, selon le style de jeu, qui est riche en ornementations (glissandos, trilles, vibrato large).64 Le violon arabe joue un rôle mélodique de premier plan, excelle dans les taqasim improvisés et est réputé pour sa capacité à imiter les inflexions de la voix humaine.28
B. Aérophones
Les instruments à vent apportent une couleur et une expressivité particulières à la musique arabe.
- Nay (ناي) : Le nay est une flûte oblique, simple en apparence mais d’une grande subtilité expressive. Il est traditionnellement fabriqué à partir d’un segment de roseau (Arundo donax), ouvert à ses deux extrémités.18 Il comporte généralement six trous de jeu sur la face avant et un trou pour le pouce à l’arrière.66 Le musicien produit le son en soufflant directement sur le biseau du bord supérieur de l’instrument, sans embouchure spécifique (bien que le nay turc utilise un bashpare).65 Différentes tailles de nays sont utilisées pour s’adapter aux différentes tonalités de base des maqamat.57 Le son du nay est poignant, éthéré et capable de produire avec une grande finesse les micro-intervalles et les inflexions mélodiques caractéristiques de la musique arabe.66 Il joue un rôle mélodique important, est un instrument de choix pour le taqsim, et revêt une forte connotation spirituelle, étant particulièrement associé à la musique soufie où il symbolise la plainte de l’âme aspirant à l’union divine.29
- Mizmar (مزمار) : Le mizmar est un instrument à anche double, de la famille des hautbois ou des chalemies.67 Il est généralement fabriqué en bois (souvent d’abricotier) et possède une perce conique qui s’évase en un pavillon.67 Son timbre est puissant, claironnant et perçant, ce qui le rend particulièrement adapté aux performances en extérieur, lors de festivals, de mariages, de processions et pour accompagner les danses folkloriques énergiques comme la dabke.67 Dans les ensembles de musique populaire et folklorique, le mizmar mène souvent la mélodie, soutenu par des tambours robustes comme le tabl baladi.67 Plusieurs mizmars peuvent jouer ensemble, créant une polyphonie rudimentaire ou des effets de répons.67
C. Membranophones et Idiophones
Les percussions sont l’épine dorsale rythmique de la musique arabe, fournissant la pulsation, les cycles des iqa’at et une grande partie de l’énergie entraînante.
- Tabla/Darbouka (طبلة/دربوكة) : La tabla (terme plus courant en Égypte, aussi appelée darbouka ailleurs) est un tambour en forme de gobelet, doté d’une seule peau tendue sur son extrémité la plus large.18 La caisse peut être en argile, en céramique ou, plus couramment aujourd’hui, en métal (aluminium, cuivre).72 L’instrument est tenu sous le bras ou sur la cuisse et joué à deux mains, en utilisant une variété de frappes des doigts et de la paume pour produire les deux sons fondamentaux : le dum (son grave, obtenu en frappant au centre de la peau) et le tak (son aigu et sec, obtenu en frappant près du bord), ainsi que d’autres sons ornementaux.57 La tabla/darbouka est essentielle pour marquer le pouls rythmique de base (wazn) et articuler les motifs complexes des iqa’at dans une multitude de genres musicaux.57
- Riqq (رقّ) : Le riqq est un petit tambour sur cadre, semblable à un tambourin, mais doté de cymbalettes en laiton (généralement cinq paires doubles) insérées dans des fentes pratiquées dans le cadre en bois.26 La peau, traditionnellement en chèvre ou en poisson, est collée et tendue sur le cadre.43 Le riqq est l’instrument de percussion principal et le plus sophistiqué de l’ensemble takht traditionnel.46 Le joueur de riqq (dabit al-iqa’, le gardien du rythme) ne se contente pas de marquer le temps ; il exécute des motifs rythmiques (iqa’at) complexes et virtuoses, en combinant les frappes sur la peau (produisant des dum et des tak) avec les tintements et les secousses des cymbalettes, créant une texture rythmique riche et scintillante.57
- Daff/Tar (دف/طار) : Le daff (ou def, duff) est un terme générique désignant un grand tambour sur cadre, généralement circulaire, dont la peau (souvent de chèvre ou de poisson) est tendue sur un cadre en bois.5 Certains daffs, notamment dans la tradition persane et kurde, comportent des anneaux métalliques, des chaînettes ou des grelots fixés à l’intérieur du cadre, qui produisent un son de sonnaille lorsque l’instrument est frappé ou secoué.77 Le tar est un autre nom pour un tambour sur cadre, parfois utilisé pour désigner des versions sans cymbalettes.18 Le daff est largement utilisé pour accompagner le chant et la danse dans la musique folklorique, la musique soufie (où il a une forte connotation spirituelle et est utilisé dans les rituels de dhikr), et dans certaines musiques populaires.62 Dans certains contextes, il peut suppléer ou remplacer le riqq.62
D. Rôles et Interplay dans les Ensembles Traditionnels : Takht et Firqa
Les instruments arabes ne s’expriment pas seulement en solo ; ils se combinent au sein d’ensembles aux configurations variables, dont les plus notables sont le takht et la firqa.
Le Takht (تخت), qui signifie littéralement « estrade » ou « plateforme » sur laquelle les musiciens s’installaient, est le petit ensemble de chambre traditionnel de la musique arabe savante, particulièrement florissant à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.43 Il comprend typiquement de deux à cinq musiciens jouant les instruments mélodiques principaux – oud, qanoun, kamanja (ou violon), et nay – auxquels s’ajoute le riqq comme principal instrument de percussion.83 Parfois, un chanteur soliste et un petit chœur se joignent à l’ensemble.46
Au sein du takht, l’interaction (interplay) entre les instruments est cruciale. Les instruments mélodiques jouent principalement en hétérophonie, chacun interprétant la mélodie principale avec ses propres ornementations et variations, tout en restant dans le cadre du maqam et de l’iqa’.46 Il n’y a généralement pas de hiérarchie stricte, mais le qanoun est souvent considéré comme le leader mélodique, doublant la ligne du chanteur et assurant la justesse de l’accord.46 L’oud peut prendre la direction en l’absence de qanoun ou de chanteur.46 Le riqq, tenu par le dabit al-iqa’ (gardien du rythme), est responsable de la pulsation et de l’articulation complexe des cycles rythmiques.46 L’improvisation y tient une place centrale, notamment à travers les taqasim (solos instrumentaux improvisés), les layali et les mawwalat (improvisations vocales) qui permettent à chaque musicien de démontrer sa virtuosité et sa compréhension du maqam.46 Les instruments se relaient pour les solos, dialoguent entre eux et avec le chanteur, créant une performance vivante et interactive. Cette complémentarité timbrale et fonctionnelle, où les instruments de la famille sahb (à son continu, comme le violon et le nay) et naqr (à son pincé ou percuté, comme l’oud et le qanoun) se répondent, est essentielle à la richesse sonore du takht.55
La Firqa (فرقة), signifiant « troupe » ou « orchestre », est une formation plus large qui s’est développée au milieu du XXe siècle, notamment en Égypte, pour accompagner les grandes stars de la chanson comme Oum Kalthoum et Mohammed Abdel Wahab.57 La firqa augmente l’effectif du takht en y ajoutant une section de cordes plus étoffée (multipliant les violons, et introduisant altos, violoncelles et contrebasses), parfois d’autres instruments occidentaux (comme l’accordéon, le saxophone), davantage de percussions, et souvent un chœur plus important.55 Cette expansion orchestrale visait à créer un son plus ample et luxuriant, adapté aux grandes salles de concert, aux enregistrements radiophoniques et cinématographiques de l’époque.16 Bien que s’inspirant de l’orchestration occidentale, la firqa conservait les fondements de la musique arabe, notamment le système des maqamat, la primauté de la mélodie et la place de la voix. Cette évolution illustre la capacité de la musique arabe à intégrer des éléments exogènes pour enrichir ses propres formes d’expression.
Le tableau suivant récapitule les informations clés sur les instruments mentionnés :
Nom de l’Instrument (Arabe) | Classification | Construction (Succincte) | Technique de Jeu Principale | Rôle Typique dans l’Ensemble |
Oud (عود) | Cordophone (luth pincé) | Manche court sans frettes, caisse en forme de poire, 11-13 cordes en chœurs | Pincement avec plectre (risha) | Mélodique principal, taqsim, accompagnement, basse mélodico-rythmique 18 |
Qanoun (قانون) | Cordophone (cithare sur table) | Trapézoïdal, nombreuses cordes (env. 78 en chœurs triples), leviers (‘urab) pour micro-tons | Pincement avec plectres aux doigts | Mélodique central, solos, ornementations, doublure vocale 46 |
Kamanja (كمانجة) / Violon | Cordophone (instrument à archet) | Sans frettes, 4 cordes, accord souvent Sol-Ré-Sol-Ré | Jeu à l’archet, glissandos, vibrato | Mélodique, taqsim, imitation de la voix 28 |
Nay (ناي) | Aérophone (flûte oblique) | Roseau creux, ouvert aux deux bouts, 6+1 trous | Souffle sur le bord | Mélodique, taqsim, connotations spirituelles 57 |
Mizmar (مزمار) | Aérophone (instrument à anche double) | Bois (souvent abricotier), perce conique, anche double | Souffle continu (parfois circulaire), doigté | Mélodique principal dans la musique folklorique et de fête, son puissant 67 |
Tabla (طبلة) / Darbouka | Membranophone (tambour en gobelet) | Forme de gobelet, une seule peau, en argile ou métal | Frappes manuelles (dum au centre, tak au bord) | Rythmique de base, articulation des iqa’at 57 |
Riqq (رقّ) | Membranophone/Idiophone (tambourin à cymbalettes) | Cadre en bois, peau tendue, 5 paires de cymbalettes | Frappes sur la peau, secousses pour les cymbalettes | Percussion principale du takht, gardien du rythme (dabit al-iqa’), motifs complexes 46 |
Daff (دف) / Tar (طار) | Membranophone (tambour sur cadre) | Grand cadre circulaire en bois, peau tendue, parfois avec anneaux/grelots internes | Frappes manuelles, secousses | Accompagnement rythmique (musique soufie, folklorique), peut remplacer le riqq 62 |
IV. Voix d’Hier et d’Aujourd’hui : Figures Marquantes de la Musique Arabe
La musique arabe a été portée et popularisée par des artistes dont le talent et le charisme ont traversé les frontières et les générations. Des grandes divas de l’âge d’or aux pionniers des genres contemporains, ces figures ont non seulement enrichi le patrimoine musical, mais ont aussi souvent joué un rôle social et culturel majeur.
A. Les Piliers de l’Âge d’Or et du Tarab
Le XXe siècle, et particulièrement sa période médiane (environ 1930-1970), est considéré comme l’Âge d’Or de la chanson et de la musique arabe, avec Le Caire comme épicentre. Cette ère a vu l’émergence d’artistes légendaires dont l’influence perdure.
- Oum Kalthoum (أم كلثوم, Égypte, c.1904-1975) : Surnommée « L’Astre de l’Orient » (Kawkab Al Sharq) ou « La Quatrième Pyramide », Oum Kalthoum est sans doute la figure la plus emblématique de la musique arabe du XXe siècle.14 Dotée d’une voix d’une puissance et d’une tessiture exceptionnelles, elle maîtrisait l’art de l’improvisation et de l’interprétation du Tarab à un degré inégalé. Ses concerts mensuels, retransmis à la radio, captivaient des millions d’auditeurs à travers le monde arabe. Ses chansons, souvent de longues suites poético-musicales comme « Enta Omri » (Toi, ma vie) ou « Al Atlal » (Les Ruines), exploraient les thèmes de l’amour, de la perte et de la nostalgie avec une intensité dramatique.14 Au-delà de son génie musical, Oum Kalthoum fut une figure culturelle et patriotique majeure, jouant un rôle important dans la société égyptienne, notamment après la révolution de 1952.14 Elle n’était pas seulement une chanteuse, mais une institution, dont l’héritage continue d’inspirer les musiciens du monde entier.
- Mohammed Abdel Wahab (محمد عبد الوهاب, Égypte, c.1902-1991) : Compositeur, chanteur et oudiste de génie, Mohammed Abdel Wahab est considéré comme l’un des grands modernisateurs de la musique arabe.1 Il a introduit des éléments de la musique occidentale, tels que des instruments européens (piano, violoncelle, accordéon), des harmonies et des formes orchestrales plus larges, dans le langage musical arabe traditionnel. Il a composé pour lui-même et pour de nombreux autres grands artistes, dont Oum Kalthoum (notamment « Enta Omri »). Son œuvre est immense et variée, allant des chansons romantiques aux hymnes patriotiques et aux musiques de films.
- Fairuz (فيروز, Liban, née en 1934) : Surnommée « L’Ambassadrice des Étoiles » ou « L’Âme du Liban », Fairuz est une légende vivante de la musique libanaise et arabe.14 Sa voix cristalline et pure, alliée à un répertoire d’une grande diversité (chansons folkloriques, poèmes mis en musique, comédies musicales, chants patriotiques et religieux), a fait d’elle une icône transcendant les clivages politiques et religieux. En collaboration étroite avec les frères Mansour et Assi Rahbani (ce dernier devenant son époux), elle a créé un style unique, mêlant les traditions musicales libanaises et arabes à des influences occidentales. Des chansons comme « Kifak Inta » (Comment vas-tu?), « Bhebbak Ya Lebnan » (Je t’aime, ô Liban) ou « Saalouni Nnas » (Les gens m’ont demandé) sont gravées dans la mémoire collective. Fayrouz incarne l’esprit et la résilience du Liban, et sa musique est un symbole d’unité et d’espoir pour de nombreux Arabes.14
- Warda Al-Jazairia (وردة الجزائرية, Algérie/Égypte, 1939-2012) : « La Rose Algérienne », Warda a conquis le cœur du monde arabe par sa voix chaude, douce et mélodieuse, ainsi que par son élégance et sa présence scénique.14 Née en France de parents algériens, elle a débuté sa carrière très jeune avant de s’installer en Égypte. Son répertoire comprend des chansons d’amour passionnées et des chants patriotiques. Des titres comme « Batwanes Beek » (Tu me tiens compagnie) et « Harramt Ahibbak » (J’ai renoncé à t’aimer) sont des classiques intemporels.14
- Farid El Atrache (فريد الأطرش, Syrie/Égypte, 1910-1974) : Surnommé le « Roi du Oud », Farid El Atrache était un virtuose de cet instrument, ainsi qu’un compositeur, chanteur et acteur syro-égyptien de premier plan.18 Sa musique, souvent mélancolique et passionnée, et son jeu de oud innovant ont marqué des générations. Il a composé des centaines de chansons et joué dans plus de trente films, souvent aux côtés de sa sœur, la chanteuse Asmahan.
- Asmahan (أسمهان, Syrie/Égypte, 1912-1944) : Princesse druze d’origine syrienne, Asmahan a eu une carrière fulgurante mais tragiquement courte.14 Sa voix envoûtante et son style unique, qui mariait avec audace la tradition arabe à des influences occidentales (notamment le jazz et l’opérette), ont fait d’elle une figure mystique et fascinante. Des chansons comme « Ya Habibi Ta’ala » (Mon amour, viens vite) ou « Layali El Ouns Fi Vienna » (Nuits de bonheur à Vienne) témoignent de son talent novateur.
- Sabah Fakhri (صباح فخري, Syrie, 1933-2021) : Originaire d’Alep, Sabah Fakhri était un maître incontesté du répertoire classique syrien, notamment des mouwashahat (poèmes à forme fixe mis en musique) et des qoudoud halabiya (chants traditionnels aléppins).86 Il était célèbre pour sa voix puissante, son souffle exceptionnel lui permettant de tenir des notes sur des durées impressionnantes, et ses longues improvisations (mawwalat) qui transportaient l’auditoire.
- Wadih El Safi (وديع الصافي, Liban, 1921-2013) : Surnommé « La Voix du Liban » ou « Le Chanteur des Montagnes », Wadih El Safi était une autre figure majeure de la chanson libanaise.25 Sa voix de ténor robuste et son style imprégné des traditions folkloriques de la montagne libanaise, notamment dans l’art du mawwal (improvisation vocale sur un poème), lui ont valu une immense popularité.
Ces artistes, par leur talent exceptionnel et leur capacité à incarner les aspirations et les émotions de leur public, ne furent pas seulement des interprètes, mais de véritables icônes culturelles et sociales. Ils ont défini un « son arabe classique » qui, bien que diversifié, partageait une esthétique commune axée sur la primauté de la voix, la richesse mélodique des maqamat, l’expressivité du Tarab, et souvent une orchestration ample intégrant des instruments occidentaux aux côtés des instruments traditionnels. Leur héritage constitue un pan essentiel de la culture arabe moderne.
B. La Scène Contemporaine : Un Éventail de Genres et de Talents
La musique arabe contemporaine est un paysage foisonnant, caractérisé par une grande diversité de genres, l’émergence constante de nouveaux talents et une interaction dynamique avec les courants musicaux mondiaux, facilitée par les technologies numériques.1 Si les formes classiques et le Tarab conservent leur prestige, de nouveaux styles ont conquis un large public, en particulier parmi les jeunes générations.
1. Pop Arabe : Figures de Proue
La pop arabe est sans doute le genre le plus visible à l’échelle régionale et internationale. Elle se caractérise par des mélodies accrocheuses, des arrangements modernes qui fusionnent souvent des éléments sonores arabes (rythmes, instruments, tournures mélodiques issues des maqamat) avec les codes de la pop occidentale (structures couplet-refrain, productions léchées, usage d’instruments électroniques).90
- Égypte : L’Égypte reste un centre majeur de production de la pop arabe. Amr Diab, surnommé le « Père de la Musique Méditerranéenne », est une superstar depuis les années 1980, pionnier dans la fusion des rythmes égyptiens et des sons pop mondiaux.90 Son influence est considérable, avec des succès internationaux comme « Nour El Ein » ou « Tamally Maak ». Tamer Hosny, connu comme le « Roi de la Musique Romantique » ou « King of the Generation », est une autre figure incontournable, mêlant pop, R&B et sonorités arabes, et menant également une carrière d’acteur à succès.91 D’autres artistes égyptiens majeurs incluent Mohamed Mounir, avec son style unique mêlant musique nubienne, rock et reggae, ainsi que des chanteuses populaires comme Angham et Sherine Abdel Wahab.90
- Liban : Le Liban est également un foyer très actif de la pop arabe, avec des artistes qui jouissent d’une grande popularité. Nancy Ajram, Elissa, et Haifa Wehbe sont des noms féminins dominants, connues pour leurs clips vidéo soignés et leurs chansons entraînantes.88 Du côté masculin, Wael Kfoury, surnommé le « Roi de la Romance », est une figure établie avec une longue carrière et de nombreux succès.88 Ragheb Alama est un autre vétéran de la scène pop libanaise.
- Syrie : Malgré les difficultés, la Syrie a produit des stars de la pop comme Nassif Zeytoun, vainqueur de Star Academy Arab World en 2010, dont les chansons et clips cumulent des millions de vues.100 George Wassouf, bien que plus âgé, reste une figure influente avec sa voix rauque et son style expressif.103
- Palestine/Jordanie : Mohammed Assaf, vainqueur palestinien d’Arab Idol en 2013, est devenu un symbole d’espoir et une voix pour la cause palestinienne, avec un large succès panarabe.89 En Jordanie, des artistes comme Omar Al Abdallat sont populaires dans le registre de la chanson patriotique et populaire.106
2. Le Raï : De l’Algérie au Monde
Le Raï (الراي), signifiant « opinion » ou « avis », est un genre musical emblématique de l’Algérie, né dans la région d’Oran.13 À l’origine musique folklorique des Bédouins, il s’est développé dans les villes au début du XXe siècle, intégrant des instruments modernes et des textes en arabe dialectal abordant des thèmes sociaux, l’amour, les difficultés de la vie, souvent avec une franchise qui a pu être controversée.108
Dans les années 1970 et 1980, le Raï a connu une modernisation majeure avec l’introduction de synthétiseurs, de boîtes à rythmes et d’influences venues du rock, du reggae, du funk et de la pop occidentale.107 Les artistes de cette vague, se désignant souvent par le titre de « Cheb » (jeune homme) ou « Cheba » (jeune femme) pour se distinguer des anciens « Cheikhs » et « Cheikhat », ont propulsé le Raï sur la scène internationale.
- Figures Clés : Cheb Khaled (Hadjj Brahim Khaled), surnommé le « Roi du Raï », est l’ambassadeur le plus célèbre du genre, avec des tubes planétaires comme « Didi » et « Aïcha ».107 Cheb Mami, « Le Prince du Raï », a également connu un grand succès international, notamment grâce à son duo avec Sting sur « Desert Rose ».89 D’autres figures importantes incluent Faudel (le « Petit Prince du Raï ») 16, le regretté Cheb Hasni, idole de la jeunesse assassiné en 1994, dont les chansons d’amour mélancoliques restent immensément populaires 16, Reda Taliani, connu pour son énergie et ses fusions 110, Cheb Bilal, figure prolifique et influente 110, Kader Japonais 110 et Cheb Bello.108 Le Raï a eu un impact culturel considérable, notamment en France où vit une importante diaspora nord-africaine, devenant une des premières musiques du monde arabe à atteindre une reconnaissance mondiale.16
3. Musique Khaliji : Les Voix du Golfe
La musique Khaliji (خليجي), signifiant « du Golfe », désigne les styles musicaux populaires de la péninsule arabique, incluant l’Arabie Saoudite, le Koweït, Bahreïn, les Émirats Arabes Unis, le Qatar et Oman.115 Elle se caractérise par des rythmes percussifs spécifiques (souvent joués sur des tambours comme le mirwas ou le tabl), l’utilisation proéminente de l’oud, et des mélodies qui reflètent les traditions poétiques et musicales de la région.115 Les paroles traitent souvent de l’amour, de la fierté nationale, de la tradition et de thèmes sociaux.115
- Figures Clés : Mohammed Abdu (Arabie Saoudite), surnommé « L’Artiste des Arabes », est une figure légendaire et pionnière de la musique Khaliji moderne, avec une carrière s’étendant sur plusieurs décennies et une influence majeure sur le genre.116 Hussain Al Jassmi (Émirats Arabes Unis) est une autre superstar panarabe, connu pour sa voix puissante et ses chansons populaires qui transcendent les frontières du Golfe.116 D’autres artistes importants incluent Rashed Al Majed (Arabie Saoudite/Bahreïn), Majid Al Mohandis (Irak/Arabie Saoudite), Rabeh Saqer (Arabie Saoudite), et la chanteuse émiratie Ahlam.116
4. Nouvelles Vagues : Hip-Hop, Électro (Arabtronica, Electro Chaabi), Rock et Musique Alternative
La scène musicale arabe contemporaine est également marquée par l’essor de genres plus alternatifs, souvent portés par une jeunesse désireuse d’exprimer ses réalités et ses préoccupations à travers des sonorités nouvelles, tout en restant parfois ancrée dans son héritage culturel.
- Hip-Hop Arabe : Le rap et le hip-hop ont trouvé un terreau fertile dans de nombreux pays arabes, devenant un moyen d’expression privilégié pour aborder des questions sociales, politiques et personnelles. Des scènes dynamiques existent en Égypte (avec des artistes comme Marwan Pablo, Wegz, Abyusif) 92, en Palestine (The Synaptik, Saint Levant – qui mélange arabe, français et anglais) 128, en Jordanie (El Far3i, Torabyeh) 131, en Syrie (Refugees of Rap) 132, au Maroc (ElGrandeToto, Don Bigg) 19, et ailleurs. Ces artistes utilisent souvent les dialectes locaux et des références culturelles propres, tout en s’inspirant des codes du hip-hop mondial.
- Électro Arabe (Arabtronica, Electro Chaabi/Mahraganat) :
- Arabtronica / Arab Electro : Ce courant fusionne les instruments, mélodies et rythmes traditionnels arabes (oud, darbouka, maqamat, chants folkloriques) avec les textures, les beats et les techniques de production de la musique électronique (house, techno, ambient, etc.).134 Des artistes et collectifs comme Acid Arab (France), Omar Souleyman (Syrie, connu pour son électro-dabke), le regretté Muslimgauze (Royaume-Uni), Taxi Kebab (France/Maroc), Hello Psychaleppo (Syrie) ou encore Deena Abdelwahed (Tunisie) explorent ces territoires sonores innovants, trouvant un écho sur la scène club internationale.100
- Electro Chaabi (Mahraganat مهرجانات) : Né dans les quartiers populaires et les mariages de rue en Égypte, le Mahraganat (signifiant « festivals ») est un genre explosif et brut qui combine l’énergie de la musique shaabi (populaire égyptienne) avec des beats électroniques frénétiques, des basses puissantes, l’usage intensif de l’Auto-Tune et des paroles souvent improvisées en dialecte cairote, reflétant le quotidien, les aspirations et les frustrations de la jeunesse.141 Des artistes comme DJ Figo, El Sadat, Islam Chipsy (avec son style de clavier unique), Oka & Ortega, et plus récemment Hassan Shakoush et Omar Kamal (avec leur tube « Bent El Geran ») ont popularisé ce genre, d’abord via des partages MP3 et YouTube, puis en atteignant une reconnaissance plus large malgré certaines controverses.91
- Rock et Musique Alternative Arabe : Des scènes rock et alternatives existent également, bien que souvent plus confidentielles.
- Au Liban, le groupe Mashrou’ Leila a acquis une notoriété internationale avec son indie rock aux textes poétiques et engagés, abordant des thèmes sociaux et politiques sensibles.88 D’autres artistes comme Rogér Fakhr (figure culte du folk-rock psychédélique des années 70, redécouvert récemment) ou Etyen (producteur de musique électronique mélodique et low-fi) animent la scène indépendante.148
- En Égypte, des groupes comme Massar Egbari (rock progressif aux influences égyptiennes) et Cairokee (rock alternatif populaire) ont un large public et abordent souvent des thèmes sociaux dans leurs chansons.91 Black Theama propose également un son distinctif.150
- En Syrie, la guerre civile a vu l’émergence d’une scène musicale underground, souvent en exil, utilisant la musique comme moyen de témoignage et de résilience.132 Le chanteur Abdel Basset al-Sarout, ancien footballeur devenu icône de la révolution, dont les chants ont galvanisé les manifestants, en est un exemple tragique et puissant.151
L’impact de la mondialisation et des technologies numériques est indéniable dans la diffusion et l’évolution de ces genres contemporains. Les plateformes de streaming, les réseaux sociaux comme TikTok, et la facilité de collaboration à distance ont permis à de nombreux artistes arabes d’atteindre un public global et de fusionner leurs traditions avec des influences du monde entier.71 Cette effervescence témoigne de la vitalité et de la capacité d’adaptation de la musique arabe, qui continue de se réinventer tout en portant l’écho d’un héritage millénaire. Parallèlement, la musique est de plus en plus utilisée comme un outil d’expression sociale et politique, permettant aux artistes de commenter les réalités de leurs sociétés et de participer aux débats contemporains.145
V. Musique Arabe et Musique Occidentale : Convergences et Divergences
La comparaison entre la musique arabe et la musique occidentale révèle des approches fondamentalement différentes de l’organisation du son, de l’expression et de la performance, bien que des points de contact et d’influence mutuelle existent. Comprendre ces distinctions est essentiel pour apprécier la richesse et la spécificité de chaque tradition.
- Systèmes d’Accordage, Échelles et Modes :
- Musique Arabe : Repose sur le système des maqamat, qui sont des modes mélodiques définis non seulement par une échelle, mais aussi par des notes pivots, des phrases caractéristiques et une progression typique.20 Un élément crucial est l’utilisation de micro-intervalles (quarts de ton), divisant l’octave en 24 degrés théoriques (ou plus, selon les théories et les pratiques régionales), ce qui permet une palette de couleurs modales beaucoup plus étendue et subtile que dans le système occidental.20 Chaque maqam est souvent associé à un ethos ou une émotion particulière.20
- Musique Occidentale : Le système tonal classique (depuis le XVIIe siècle environ) est basé sur les gammes majeures et mineures, dérivées des modes ecclésiastiques plus anciens. L’octave est divisée en 12 demi-tons égaux dans le tempérament égal, qui est la norme depuis le XVIIIe siècle. L’harmonie fonctionnelle (basée sur les accords et leurs progressions) est centrale.27
- Comparaison : La musique arabe est fondamentalement modale et microtonale, tandis que la musique occidentale classique est principalement tonale et basée sur le tempérament égal (bien que des compositeurs contemporains explorent la microtonalité).20 Le concept de maqam est plus complexe qu’une simple gamme, impliquant des aspects de performance et d’improvisation.34
- Harmonie et Texture :
- Musique Arabe : Principalement monodique (une seule ligne mélodique) ou hétérophonique (plusieurs interprétations simultanées et légèrement variées de la même mélodie).20 Il n’y a pas de tradition d’harmonie polyphonique au sens occidental (accords construits sur des tierces, contrepoint élaboré).20 L’accompagnement est souvent rythmique ou un bourdon sur la tonique du maqam.28
- Musique Occidentale : La polyphonie et l’harmonie fonctionnelle sont des piliers. Les œuvres sont souvent construites sur la superposition de plusieurs lignes mélodiques indépendantes (contrepoint) et sur des progressions d’accords qui créent tension et résolution.27
- Comparaison : La musique arabe met l’accent sur la richesse de la ligne mélodique unique, son ornementation et ses nuances microtonales. La musique occidentale explore la richesse des combinaisons de sons simultanés et des architectures harmoniques.
- Rythme et Mesure :
- Musique Arabe : Les structures rythmiques sont organisées par les Iqa’at, des cycles rythmiques récurrents de durées variables, composés de battements forts (Dum) et faibles (Tak).45 Ces cycles peuvent être simples ou très complexes, avec des mesures paires ou impaires (ex: 2/4, 4/4, mais aussi 7/8, 10/8, etc.).52 L’ornementation rythmique par le percussionniste est courante.51 Certaines formes, comme le taqsim, sont non mesurées (rythme libre).26
- Musique Occidentale : Le rythme est généralement organisé en mesures régulières avec des temps forts et faibles (ex: 2/4, 3/4, 4/4), bien que des compositeurs aient exploré des métriques plus complexes. La pulsation est souvent un cadre plus constant.28
- Comparaison : La musique arabe possède une grande richesse de cycles rythmiques (iqa’at) qui sont des modes rythmiques en soi, alors que la musique occidentale tend à utiliser des cadres métriques plus standardisés, même si la complexité rythmique interne peut être grande. La notion de rythme libre est plus institutionnalisée dans certaines formes arabes.
- Formes Musicales :
- Musique Arabe : Les formes traditionnelles incluent des suites comme la wasla (Machrek) ou la nawba (Maghreb), qui sont des enchaînements de pièces vocales et instrumentales dans le même maqam.9 Le taqsim (improvisation instrumentale), le mawwal et le layali (improvisations vocales) sont des formes improvisées importantes.2 Les chansons de l’âge d’or pouvaient être très longues, avec de multiples sections et des reprises variées.14
- Musique Occidentale : Possède une grande variété de formes fixes et développées (sonate, symphonie, concerto, fugue, chanson couplet-refrain, etc.) où la structure est souvent prédéterminée par le compositeur.
- Comparaison : La musique arabe classique valorise les formes en suite et accorde une place structurelle majeure à l’improvisation, qui peut constituer une pièce en soi. Les formes occidentales classiques sont souvent plus architecturées et écrites en détail.
- Pratiques d’Interprétation et Esthétique :
- Musique Arabe : L’improvisation est au cœur de la pratique et de l’esthétique.20 L’objectif ultime est souvent d’atteindre le Tarab, un état d’extase émotionnelle partagée entre l’interprète et l’auditoire, où l’interaction est primordiale.26 L’interprétation n’est pas jugée sur la perfection technique par rapport à une partition, mais sur l’intensité émotionnelle, la capacité à émouvoir et à « toucher l’âme » du maqam et de la poésie.20 La virtuosité est au service de l’expression.
- Musique Occidentale (Classique) : L’interprétation vise souvent la fidélité à la partition du compositeur, bien que l’expressivité personnelle de l’interprète soit également valorisée. La virtuosité technique est souvent mise en avant. L’interaction avec le public est généralement plus formelle et moins exubérante que dans le contexte du Tarab.26
- Comparaison : L’esthétique du Tarab et la centralité de l’improvisation interactive distinguent fortement la pratique de la musique arabe. En musique occidentale classique, bien que l’émotion soit recherchée, le cadre de la performance et les attentes sont différents. La musique arabe est une tradition où la transmission orale et la mémorisation ont longtemps primé sur la notation écrite détaillée, contrairement à la tradition occidentale classique.9
Ces différences ne signifient pas une absence de points communs ou d’influences. Historiquement, la théorie musicale arabe a intégré des éléments de la pensée grecque 9, et plus récemment, la musique arabe a absorbé des instruments et des techniques d’orchestration occidentales.18 Inversement, la musique occidentale a parfois puisé son inspiration dans les sonorités et les rythmes orientaux. Cependant, les fondements structurels et les philosophies esthétiques de ces deux grands univers musicaux restent profondément distincts.
VI. La Musique Arabe dans le Monde Contemporain
Loin d’être figée dans ses formes traditionnelles, la musique arabe est aujourd’hui un champ artistique dynamique et en constante évolution. Elle interagit avec les courants musicaux mondiaux, s’approprie les nouvelles technologies et continue de jouer un rôle social et culturel majeur, tout en étant confrontée aux défis de la préservation de son riche patrimoine.
A. Influence Globale et Fusions Interculturelles
La musique arabe a exercé et continue d’exercer une influence notable sur diverses traditions musicales à travers le monde. Ses échelles modales (maqamat), ses rythmes complexes (iqa’at) et les timbres de ses instruments ont inspiré des compositeurs et musiciens bien au-delà des frontières du monde arabe.
Dès le XXe siècle, des compositeurs de musique classique occidentale ont été intrigués par les sonorités orientales. Plus récemment, l’influence de la musique arabe est perceptible dans de nombreux genres de la « world music », où des artistes occidentaux collaborent avec des musiciens arabes ou intègrent des éléments de la musique arabe dans leurs propres créations.2
Le jazz, par sa nature improvisée et modale, a également trouvé des terrains d’entente fertiles avec la musique arabe. Des musiciens comme Anouar Brahem (oudiste tunisien) ou Rabih Abou-Khalil (oudiste libanais) sont des figures de proue du « jazz arabe » ou « ethno-jazz », créant des fusions sophistiquées qui ont acquis une reconnaissance internationale.1
Dans le domaine de la pop et de la musique électronique, les emprunts et les collaborations se multiplient. Des artistes pop occidentaux ont samplé des mélodies ou des rythmes arabes, tandis que des DJ et producteurs intègrent des instruments traditionnels comme l’oud ou la darbouka, ainsi que des vocaux arabes, dans des morceaux de house, de techno ou de hip-hop.71 Des genres comme l' »Arab Electro » ou l' »Arabtronica » témoignent de cette hybridation créative.134 La popularité croissante de genres comme le K-Pop, le Reggaeton et l’Afrobeats en Occident encourage également les artistes arabes émergents à intégrer sans crainte des éléments arabes dans leur musique tout en visant un public mondial.89
B. Le Rôle de la Technologie et des Médias Numériques
L’avènement des technologies numériques et d’Internet a profondément transformé le paysage de la musique arabe, affectant sa production, sa distribution, sa consommation et sa diffusion à l’échelle mondiale.71
Les plateformes de streaming (comme Spotify, Anghami, Apple Music), YouTube et les réseaux sociaux (en particulier TikTok) sont devenus des outils essentiels pour les artistes arabes, leur permettant de toucher directement un public international sans nécessairement passer par les circuits traditionnels des maisons de disques.88 Des artistes comme le Jordanien Issam Najjar ont connu un succès viral mondial grâce à TikTok avec des chansons en arabe.89
Ces plateformes facilitent également la découverte de la diversité des musiques arabes, des classiques aux genres les plus contemporains, et permettent aux diasporas de rester connectées à la culture musicale de leurs pays d’origine.89 La facilité de collaboration en ligne a également stimulé les fusions interculturelles et la création de projets musicaux transnationaux.89
Le cinéma et la télévision continuent de jouer un rôle dans la popularisation de la musique arabe, avec des séries occidentales à succès qui intègrent des chansons d’artistes arabes classiques (comme Warda) ou contemporains (comme Ahmed Saad, Wegz), les faisant découvrir à de nouveaux publics.87
L’impact de ces technologies est ambivalent : si elles offrent une visibilité sans précédent et démocratisent l’accès à la production et à la diffusion, elles posent aussi la question de la rémunération des artistes et de la préservation de la diversité face à une possible uniformisation des goûts dictée par les algorithmes. Néanmoins, l’effervescence créative actuelle, notamment dans les scènes alternatives et hip-hop, témoigne d’une appropriation réussie de ces outils par les nouvelles générations d’artistes arabes.71
C. La Musique comme Espace d’Expression Sociale et Politique
Tout au long de son histoire, et de manière particulièrement saillante à l’époque contemporaine, la musique a servi dans le monde arabe de puissant moyen d’expression sociale et politique.152 Elle offre un espace pour commenter les réalités vécues, exprimer des critiques, affirmer des identités et mobiliser des communautés.
Lors des soulèvements du « Printemps Arabe » en 2011, par exemple, la musique a joué un rôle significatif. Des chansons et des chants ont émergé des manifestations, devenant des hymnes de ralliement et des symboles de résistance.153 Des artistes comme le chanteur égyptien Ramy Essam, avec ses chansons interprétées sur la place Tahrir, ou le rappeur tunisien El Général, avec son titre « Rais Lebled », ont incarné cette voix contestataire.153 Ces « communautés acoustiques », formées parfois bien avant les événements, ont trouvé dans la musique un langage commun pour exprimer leurs frustrations et leurs espoirs.153
Le hip-hop arabe, en particulier, est devenu un vecteur important de commentaire social et politique pour la jeunesse, abordant des thèmes comme la corruption, les inégalités, le chômage et les aspirations à la liberté et à la dignité.126 Des groupes de rock alternatif comme Mashrou’ Leila au Liban sont connus pour leurs textes engagés sur des questions de droits humains, de liberté d’expression et de justice sociale, ce qui leur a parfois valu des controverses et des interdictions de concert.145
Même dans des genres plus populaires comme le Raï ou le Mahraganat, les paroles peuvent refléter les préoccupations quotidiennes et les tensions sociales des classes populaires.108 La musique devient ainsi un miroir de la société, un lieu de débat et parfois un catalyseur de changement. Dans des contextes où la liberté d’expression peut être limitée, la musique offre souvent un espace de parole plus subtil ou codé, mais non moins puissant.
D. Préservation du Patrimoine et Défis Futurs
Face à la mondialisation culturelle et à l’évolution rapide des goûts musicaux, la préservation du riche patrimoine de la musique arabe classique et traditionnelle constitue un enjeu majeur.3 De nombreuses initiatives visent à sauvegarder cet héritage, que ce soit par l’archivage d’enregistrements anciens, la transcription et l’étude des répertoires, ou la transmission des savoirs et des techniques de jeu aux nouvelles générations.18
Des institutions comme l’Institut du Monde Arabe à Paris, des fondations privées (comme la Fondation AMAR pour l’archivage et la recherche sur la musique arabe 15), des conservatoires et des écoles de musique dans le monde arabe et au sein des diasporas jouent un rôle important dans cette mission de préservation et de transmission.3 Des festivals dédiés aux musiques traditionnelles ou sacrées (comme le Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde 4) contribuent également à maintenir vivantes ces formes d’art.
Le défi principal réside dans la recherche d’un équilibre entre le respect de la tradition et la nécessité d’innovation pour que cette musique continue de parler aux jeunes générations et de trouver sa place sur la scène mondiale.89 Comment moderniser sans dénaturer? Comment intégrer de nouvelles influences tout en conservant l’authenticité et la profondeur expressive des formes traditionnelles comme le maqam et le Tarab? Ces questions sont au cœur des débats qui animent le monde de la musique arabe aujourd’hui. La vitalité des scènes contemporaines, avec leurs fusions audacieuses et leurs réinterprétations créatives du patrimoine, suggère que la musique arabe possède les ressources nécessaires pour relever ces défis et continuer à se réinventer.
Conclusion
La musique arabe, riche d’une histoire millénaire et d’une diversité foisonnante, se révèle être bien plus qu’un simple ensemble de traditions sonores. Des chants préislamiques aux pulsations électroniques contemporaines, elle a constamment évolué, intégrant les influences des civilisations persane, byzantine, andalouse, ottomane et occidentale, tout en conservant une identité propre, ancrée dans la primauté de la mélodie, la complexité du système des maqamat et la puissance émotionnelle du Tarab.
Les caractéristiques fondamentales de la musique arabe – sa nature monodique et hétérophonique, l’usage subtil des micro-intervalles, l’art consommé de l’improvisation à travers le taqsim et le mawwal, et la codification rythmique des iqa’at – constituent un langage musical d’une grande sophistication, capable d’exprimer une vaste gamme d’émotions et de nuances. Les instruments emblématiques, tels que l’oud, le qanoun, le nay et les percussions comme le riqq et la tabla, portent en eux les timbres et les techniques qui donnent vie à cet univers sonore.
De l’âge d’or du Caire, avec des figures légendaires comme Oum Kalthoum, Mohammed Abdel Wahab et Fairuz, aux scènes actuelles où la pop, le raï, le khaliji, le hip-hop et l’électro arabe connaissent un rayonnement mondial, la musique arabe n’a cessé de produire des artistes marquants. Ces musiciens, classiques ou contemporains, ont non seulement enrichi le patrimoine musical, mais ont aussi souvent joué un rôle de catalyseur culturel, social et parfois politique.
La comparaison avec la musique occidentale met en lumière des approches distinctes de la mélodie, de l’harmonie, du rythme et de la performance, soulignant l’originalité et la richesse intrinsèque de la tradition arabe. Aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation et des technologies numériques, la musique arabe continue son voyage, fusionnant avec d’autres courants, touchant de nouveaux publics et servant de véhicule à l’expression des identités et des aspirations contemporaines.
Entre la nécessaire préservation d’un héritage précieux et l’élan vital de l’innovation, la musique arabe demeure un témoignage vibrant de la créativité humaine, un pont entre les cultures et une source inépuisable d’émotion et de découverte. Son avenir, porté par des artistes talentueux et un public toujours plus large et diversifié, s’annonce aussi riche et passionnant que son passé.
Sources des citations
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